Imprégnation
Avez-vous déjà remarqué comme, à force de côtoyer directement une personne, on peut être amené à reproduire ses mimiques et ses tics de langage ? Il ne vous arrive jamais, par exemple, de placer soudainement dans vos phrases cette expression fétiche que l’un de vos amis proches utilise si souvent ? Ce phénomène s’apparente à ce que l’on nomme en psychologie l’imprégnation, ou encore l’empreinte.
S’il est bien présent chez l’espèce humaine, le phénomène d’imprégnation a été démontré chez les animaux par le biologiste et zoologiste autrichien Konrad Lorenz, pour la première fois. Après avoir observé que les poussins s’attachent de manière innée à leur mère et la suivent systématiquement, ce dernier a eu l’idée de mener des expérimentations pour expliquer ce phénomène. C’est ainsi que Lorenz a commencé à élever dès leur naissance des oisons, adoptant le comportement maternel, ce qui lui a permis de constater que les jeunes oisons le suivaient comme s’il était leur mère biologique. Le biologiste a conclu de ses expériences que la première personne, ou le premier objet mobile vu par ces jeunes animaux est assimilé chez eux à une figure maternelle. En résumé, l’imprégnation désigne donc un phénomène par lequel, à force de côtoiement d’un autre être ou d’une autre espèce, va conduire à une modification instinctive du comportement naturel.
Des exemples surprenants
Aussi surprenant que cela puisse paraître, figurez-vous que ce mécanisme a été récemment utilisé par le chorégraphe français Luc Petton, pour la réalisation de quelques-uns de ses spectacles. L’artiste a eu l’idée de faire danser ensemble sur scène des danseurs professionnels et des oiseaux (cygnes, grues ou encore corneilles), sans passer par le dressage car il souhaitait que les oiseaux conservent leurs déplacements naturels. Pour obtenir ce résultat, le chorégraphe a commencé à faire écouter sa voix et la musique du spectacle aux oisillons, avant même l’éclosion de leurs œufs. Puis les animaux ont été apprivoisés par les danseurs dès leurs premiers jours, afin d’apprendre à connaître leurs réactions sur scène (voir à ce titre « Apprivoisement »). Dans une interview, le chorégraphe expliquait que l’équilibre du spectacle se trouve entre l’imprégnation et la sociabilisation.
--> Curieux de voir le résultat ? Un extrait vidéo par ici : https://www.youtube.com/watch?v=s-zy-YGNyeE
Dans un autre registre tout aussi étonnant, l’attachement d’une espèce pour une autre liée à l’imprégnation peut également être observé avec des animaux sauvages pourtant a priori dangereux. Pour en revenir à notre loup, penchons-nous sur l’exemple de l’éthologue français Pierre Jouventin, spécialiste du comportement des animaux sauvages. Dans son livre Kamala la louve, le chercheur raconte comment il s’est retrouvé à adopter une jeune louve qu’il a sauvé de l’euthanasie. Il l’a alors élevée dans son appartement, où l’animal sauvage côtoyait l’épouse et le jeune fils du chercheur. Il décrit ce phénomène d’imprégnation observé chez l’animal qui n’avait jamais connu de congénères, la louve devenant un membre à part entière de la famille. Pierre Jouventin raconte également l’instinct de protection de la louve pour ceux qu’elle assimilait à ses camarades de meute : lorsque l’épouse du chercheur s’éloignait un peu trop en se baignant dans une rivière, l’animal se jetait à l’eau pour la ramener vers la rive. Si la détention d’animaux sauvages est aujourd’hui interdite, les récits de l’éthologue sont aussi intéressants qu’impressionnants !
Sources :
Pierre Jouventin, « Kamala, une louve dans ma famille », Éditions Flammarion, 2012.
Ce contenu fait partie du dossier-glossaire intitulé "la domestication en questions".
N'hésitez pas consulter également le dossier "Entre chien et loup, regards sur la domestication".
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