Billet

Apprivoisement

Publié le
02 décembre 2020
par elise.lachat
Mis à jour le
22 mars 2022
Communication scientifique
Le Musée zoologique de Strasbourg

On ne connaît que les choses que l’on apprivoise, dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’existe point de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !

A. de Saint-Exupéry, Le Petit Prince

Les animaux occupent une place hautement symbolique dans l’œuvre majeure d’Antoine de Saint-Exupéry. Si vous l’avez déjà lue, vous vous souviendrez peut-être de ce passage issu de la rencontre entre le petit prince et le renard. Peu de temps avant cet extrait, le renard explique qu’apprivoiser est une chose trop oubliée, qui signifie « créer des liens ». Le renard et le petit prince sont initialement étrangers l’un pour l’autre, mais s’ils s’apprivoisent, alors ils deviendront uniques au monde l’un pour l’autre. Dans Le Petit Prince, derrière la notion d’apprivoisement ne se cache aucune idée de possession ou de domination, mais plutôt une harmonie à trouver. Bien entendu, il s’agit avant tout d’une fiction littéraire, et la dimension poétique et onirique n’est pas à négliger. Pour autant dans la réalité, la notion d’apprivoisement s’approche de la vision qu’en donne Saint-Exupéry.

Pour caractériser la relation homme/animal, le verbe « apprivoiser » est parfois utilisé à tort comme un synonyme du verbe « domestiquer ». Il s’agit d’un raccourci un peu rapide, car apprivoiser ne signifie pas forcément entrer dans une logique de contrôle ou de sélection délibérée. Pour distinguer apprivoisement et domestication, un second point important est souligné par l’historienne des sciences Valérie Chansigaud : un animal sauvage qui aurait été apprivoisé ou capturé peut voir son comportement transformé par ce nouveau statut. Pour autant, si cet animal vient à se reproduire, la modification de son comportement ne va pas être transmise à sa descendance. D’ailleurs, ce même phénomène est également observé dans beaucoup de cas, lorsque des animaux sauvages sont retenus captifs : leurs modifications comportementales ne se retrouveront pas automatiquement dans les générations suivantes. Attention cependant, l’apprivoisement peut constituer une première étape d’interaction, avant que l’Homme ne décide d’enclencher le processus de domestication !

--> Lien vers un podcast audio dans lequel intervient Valérie Chansigaud : https://www.franceinter.fr/emissions/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-04-novembre-2020

En résumé, l’apprivoisement d’un animal conduit bien à un apprentissage et à une modification ponctuelle de son comportement, mais ces transformations ne se transmettent pas de génération en génération, ce qui est l’un des critères caractéristiques de la domestication. Ainsi, si la domestication s’envisage à l’échelle d’une population d’individus et provoque des transformations multiples et héréditaires, l’idée d’apprivoisement quant à elle caractérise plutôt un rapprochement privilégié que va entreprendre l’être humain vis-à-vis d’un animal en particulier. Même sauvage, un animal peut voir son comportement modifié, s’il est apprivoisé tôt dès sa naissance. On parlera alors dans certains cas d’imprégnation : rendez-vous à la définition de ce mot pour en savoir plus à ce sujet !

Notons enfin que selon le droit français, le fait qu’un animal soit né en captivité ou ait été apprivoisé ne suffit pas à dire que l’animal est domestique. Ainsi, le code pénal français distingue les animaux domestiques des animaux apprivoisés.


Sources :

Valérie Chansigaud, « Histoire de la domestication animale », émission La Terre au Carré (France Inter) du 4 novembre 2020 : https://www.franceinter.fr/emissions/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-04-novembre-2020


Ce contenu fait partie du dossier-glossaire intitulé "la domestication en questions".

N'hésitez pas consulter également le dossier "Entre chien et loup, regards sur la domestication".

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