La problématique des tiques revient régulièrement dans le débat public en France, que ce soit à travers les médias, la mobilisation de malades, les études scientifiques ou les propositions politiques.
Dans le champ politique, deux rapports de l’Assemblée nationale ont été publiés en mars 2021 et juillet 2021. Des « points de crispation » ne sont pas éludés, notamment des controverses sur la question de troubles chroniques.
Sur le plan de l’expertise des agences liées à l’État, la Haute autorité de santé (HAS) a publié en mars 2022 un guide de parcours de soin, structuré autour de la prise en charge des patients et afin de « réduire l’errance médicale ».
La perception des tiques, un impensé ?
Enfin, dans la presse, quotidiens comme magazines se font régulièrement le relais d’experts, médecins et associatifs. Beaucoup d’articles publiés sur le sujet mettent notamment l’accent sur la dimension de santé publique, de prévention, et les débats relatifs à la maladie de Lyme.
Le volet des perceptions sociales, toutefois, a été moins abordé. Parmi les publications académiques d’Amérique du Nord sorties jusqu’en 2016, des chercheurs ont dégagé 2 258 articles sur les tiques, parmi lesquels seuls 8,9 % portent sur les savoirs et représentations, quand 32,6 % concernent la pertinence des tests de dépistage.
Au sein d’un projet pluridisciplinaire, nous avons étudié d’un point de vue sociologique les représentations professionnelles et sociales des tiques à partir d’un travail de terrain mené dans la région rurale et forestière d’Argonne ; cette zone de nature, qui s’étend sur les départements de la Marne, des Ardennes et la Meuse, est propice à favoriser les rencontres humains-tiques.
Recueillir la diversité des perceptions et des savoirs d’usage sur un même territoire vient compléter les déclarations individuelles de piqûres encouragées par ailleurs au sein du projet CiTIQUE porté par l’Inrae.
« Connaissances rurales »
Nous avons interrogé les différents groupes d’acteurs par rapport aux trois niveaux des connaissances, des représentations et des pratiques liées aux tiques. Les savoirs renvoient à une inscription locale dans « la ruralité », rapportée à des traditions et à des connaissances. Un technicien cynégétique avance :
« Il y a une somme de connaissances rurales. Si je veux être un chasseur de migrateurs, il faut que je m’y connaisse un petit peu, il y a des endroits où je vais être sur des passages, etc. »
La formation aux enjeux écologiques ou médicaux liés aux tiques n’apparaît pas première, qu’il s’agisse des fédérations de chasseurs comme des associations de sport nature. Les connaissances exprimées sont légitimées par l’observation directe de tel lieu, telle faune, telle saison.
Les représentations des tiques sont empreintes de ce répertoire localisé : qu’il soit question de zones de concentration, d’un sentiment de risque ou non à se rendre en forêt ou en prairie, ou encore des facteurs explicatifs perçus à la présence des tiques, il n’y a pas un unique corpus scientifique qui soit directement approprié.
Les modes de compréhension et d’action renvoient aux savoirs vécus dans leur diversité et à des usages au quotidien. Ainsi de la faune sauvage, et notamment du grand gibier. Servant d’hôte aux tiques, l’accroissement de sa population en Argonne peut contribuer à la prolifération des acariens.
Chacun peut aller de son interprétation
Selon les positions des uns et des autres, les récits produits impliquent d’abord les chasseurs (qui auraient favorisé des surpopulations de chevreuils et de sangliers pour garantir des sorties fructueuses et des lots de chasse rentables…) ou, au contraire, les propriétaires fonciers et/ou l’Office national des forêts (une gestion d’abord économique des forêts se ferait au détriment de leur entretien, sachant que c’est notamment en sous-bois, plus précisément dans les peuplements de fougères ou de ronces, que se complaisent les tiques…).
Il n’est alors pas surprenant que le dérèglement climatique (hivers sans gelées, intempéries, etc.) soit souvent mis en avant, car ce facteur global remet moins directement en cause des pratiques territorialisées, comme l’agrainage (nourrir artificiellement le gibier) ou les pratiques culturales intensives. Pour autant, des lectures systémiques ressortent auprès d’interviewés de différents milieux, soulevant une relation entre pratiques favorables à la biodiversité, équilibre forêt-faune et non-prolifération de tiques, à l’instar de ce chasseur :
« Moi, je suis pas scientifique […] mais je me dis que plus j’ai de passereaux, moins j’ai de tiques. Finalement, il y a une grande corrélation entre la régulation des ongulés, la dynamique forestière et l’architecture globale d’un milieu, qui peut vraiment être intéressante en matière de capacité d’accueil multiespèces. »
Responsabilité individuelle
La problématique des tiques est révélateur de transformations entre les communautés humaines et leur milieu, ainsi qu’un miroir de la société sur elle-même. C’est aussi le cas dans la construction des rapports au risque. À la dimension territoriale se superpose une « gouvernementalisation » de l’enjeu.
Sur ce plan, l’attention portée par les responsables cynégétiques, sylvicoles ou associatifs exprime d’abord une mise en responsabilité individuelle des chasseurs, forestiers et randonneurs : se vêtir de façon protectrice (pantalon et manches longues, chapeau, guêtres…), se munir de tire-tiques voire de répulsif, opérer sur soi un contrôle visuel systématique après l’activité, etc.
Notre enquête a montré des transactions permanentes par rapport à ces principes affirmés, par exemple en été quand la chaleur détourne des vêtements couvrants, ou lorsque chasseurs comme forestiers se passent de gants pour saisir un animal pouvant être porteur de tiques.
Préserver l’image d’une nature idéalisée
C’est que l’objectif préventif de « bonnes pratiques » n’est pas tout. Il ne s’agit pas d’inverser les représentations sociales positives d’une nature idéalisée, d’une forêt « productive et dynamique » pour les professions sylvicoles, d’un attachement à un imaginaire rural ou encore de loisirs familiaux ou touristiques.
Entendons respectivement le responsable d’un domaine forestier privé et le président d’une association de randonneurs :
« On sait, quand on monte dans sa bagnole, qu’on a une chance de mourir sur la route mais elle est minime. […] On va à peu près avec la même philosophie en forêt. […] On sait que le soir il faut peut-être se regarder un peu. […] “Faut surtout plus aller en forêt parce que c’est un milieu hostile !” : non, on fait pas vraiment ça. […] Quand je suis en forêt, je me sens bien, c’est apaisant. »
« Leur dire “attention, il y a ça, ça"… On est venu pour souffler, pour avoir des contacts. […] C’est pas la peine d’affoler tout le monde. »
Cette mise à l’écart d’expressions jugées alarmistes est la marque d’un cadrage socio-environnemental : ne pas transformer l’échelle de valeurs attachées aux espaces de nature ; et d’une mise en responsabilité : inviter tout un chacun à une attention comportementale permet de ne pas creuser des tensions territorialisées entre groupes professionnels et sociaux, avec les politiques de développement local en arrière-plan.
Carole Waldvogel, ingénieure de recherche au laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (Université de Strasbourg & CNRS) a participé à la recherche sociologique évoquée dans cet article.
Nous avons été conviés à présenter le volet sociologique du projet IdEx Tiques à l'occasion de l'inauguration de la ZARG (Zone Atelier Rurale Argonne) :
Nous avons eu le plaisir de voir retenue notre proposition de communication sur le volet sociologique du projet IdEx Tiques au colloque scientifique « Distance et proximité par rapport à ses « enquêtés » : comment procéder pour établir une relation de confiance ? »
Une restitution du volet sociologique du projet IdEx Tiques auprès des structures cynégétiques partenaires a été organisée via la plateforme Zoom, qui a été l'occasion de précieux échanges.
Nous avons eu le plaisir de voir retenue notre proposition de communication sur le volet sociologique du projet IdEx Tiques au colloque scientifique « Santé des écosystèmes forestiers : Enjeux de société » (SANTECOFOR).
Nous vous proposons d'explorer le diaporama de présentation des résultats préliminaires de l'enquête sociologique menée auprès des chasseurs d'Argonne, explicités à l'occasion du meeting international de la santé et de l'environnement (RISE) organ
Nous vous proposons d'explorer le diaporama de présentation des résultats préliminaires de l'enquête sociologique menée auprès des chasseurs d'Argonne, explicités à l'occasion du meeting international de la santé et de l'environnement (RISE) organ
L'un des buts de notre projet IdEx est de collecter les tiques dans des écosystèmes bien définis, de les ramener au laboratoire pour mesurer leur taux d’infection et de voir ainsi l’écosystème le plus favorable au développement de la tique Ixodes ricinus.
Les modifications socio-économiques et les changements environnementaux et climatiques sont identifiés comme des facteurs qui contribuent à l’expansion des populations de tiques et des maladies transmises par les tiques.
Ce parcours temporel retrace les principales actualités du projet IdEx portant sur l'étude des impacts des modifications socio-écologiques sur les maladies à tiques et leurs représentations professionnelles et sociales, dans une perspective interdisciplinaire et de sciences participatives.
Les maladies à tiques ont fortement augmenté dans notre environnement depuis la moitié du XXème siècle, conséquences de modifications socio-économiques majeures.
Suivez-nous au Parc animalier de Saint-Laurent au fil de quelques photographies réalisées en Argonne dans le cadre du projet IdEx Tiques, en décembre 2021.
Nous vous proposons quelques photographies réalisées lors de notre première incursion en Argonne dans le cadre du projet IdEx Tiques, en novembre 2021. Suivez-nous au Ravin du Génie, dans la forêt de Lachalade, en Meuse.
Nous vous proposons quelques photographies réalisées lors de notre première excursion en Argonne dans le cadre du projet IdEx Tiques, en novembre 2021. Suivez-nous dans la commune de Varennes-en-Argonne, dans le département de la Meuse.
Nous vous proposons quelques photographies réalisées en Argonne dans le cadre du projet IdEx Tiques, en novembre 2021. Suivez-nous au marais de Germont-Buzancy, plus vaste marin alcalin du département des Ardennes.
Nous vous proposons quelques photographies réalisées lors de notre première excursion en Argonne dans le cadre du projet IdEx Tiques, en novembre 2021. Suivez-nous aux étangs de Belval-en-Argonne, dans le département de la Marne.
Nous vous proposons quelques photographies réalisées lors de notre première excursion en Argonne dans le cadre du projet IdEx Tiques, en novembre 2021. Suivez-nous dans le Bois de la Gruerie, entre Vienne-le-Château et Binarville (51800), dans le département de la Marne
L'Argonne constitue une région forestière, entendue comme une "zone géographique naturelle qui présente une homogénéité de sol, de climat et de végétation suffisante pour comprendre des types de forêts comparables" (Inventaire Forestier National).
Montfaucon-d'Argonne et Varennes-en-Argonne, communes à forte identité agricole incarnent des milieux ouverts pas excellence, entre terres arables, surfaces agroforestières et surfaces toujours en herbe.
La forêt de Signy-l'Abbaye (08460) constitue l'un des plus vastes et plus beaux massifs forestiers des Ardennes et se range parmi les sites majeurs du département.
Situé dans les Ardennes françaises, dans la région naturelle des crêtes ardennaises, le Domaine de Belval est une propriété de la Fondation François Sommer.
Nous vous proposons d'arpenter l'Argonne et ses paysages à travers une série de cartes produites par l'un des partenaires majeurs du projet IdEx Tiques, l'association Argonne Pôle Naturel Régional (Argonne PNR).
Le "top départ" du projet IdEx Tiques a été donné le mardi 9 novembre 2021, lors de la réunion de lancement dans les locaux de la Communauté de Communes de Clermont-en-Argonne.
La lettre d'information, "la ZARG et nous" vous invite à suivre l'avancée d'un ambitieux dispositif interdisciplinaire de recherche à long terme sur l'environnement et les interactions hommes-milieux en Argonne.
Deux unités de recherche de l'Université de Strasbourg sont porteuses du projet IdEx : "Impacts des modifications socio-écologiques sur les maladies à tiques et leurs représentations professionnelles et sociales".
Deux unités de recherche de l'Université de Strasbourg qui sont porteuses du projet IdEx : "Impacts des modifications socio-écologiques sur les maladies à tiques et leurs représentations professionnelles et sociales".
Projet de sciences participatives par essence, le projet IdEx Tiques ne serait rien sans ses nombreux partenaires : tout autant de chercheurs et/ou professionnels de terrain, nous invitant à entremêler les sphères d'activité et à faire dialoguer les expertises. Rencontrons-les...
Les modifications des socio-écosystèmes depuis la seconde moitié du XXème siècle sont régulièrement pointées comme responsables de l'accroissement du nombre et de l’incidence des maladies dites « à tiques » en Europe.