Contenus connexesVoir tous les contenus
Vous êtes-vous déjà interrogés quant à la signification exacte de l’expression "animal domestique" ?
Dans notre imaginaire collectif, l’"animal domestique" est trop souvent associé, par abus de langage, à l’"animal de compagnie". En un sens, si l’on se réfère à l’étymologie du terme "domestication", ce n’est pas entièrement faux. Domestication vient du latin "domus", qui signifie la maison, le foyer. Notre meilleur ami Médor ou Félix le chat ont bel et bien investi nos foyers et intégré nos familles. Mais en réalité, cette seule vision de l’animal domestique est bien trop restrictive. Et qu’en est-il alors des rongeurs, qui rodent autour de nos habitations et dans nos greniers céréaliers ? Ou de ce moineau qui vient nonchalamment sur votre balcon picorer les miettes de votre tartine ? Peut-on dire que la souris et le moineau sont des animaux domestiques ?
Dans nos sociétés modernes, le terme "domestication" souffre également d’un regard critique, car il peut être perçu comme une exploitation illégitime et parfois abusive d’autres êtres vivants par l’espèce humaine. L’idée d’appropriation et de contrôle d’une population animale par une société humaine, avec un objectif utilitaire de production d’un service ou d’une marchandise, est en effet très souvent associée à la représentation, pourtant trop restrictive, que l’on se fait de la domestication. La définition qu’en donne le dictionnaire Larousse va d’ailleurs dans ce sens :
Domestication, n.f. : Transformation d’une espèce sauvage en espèce soumise à une exploitation par l’Homme, en vue de lui fournir des produits ou des services.
Entre mauvais usage de l’expression "animal domestique" et aspects polémiques de la domestication, il n’est décidément pas simple de s’y retrouver et de parvenir à une définition consensuelle !
De manière factuelle, la domestication désigne le long processus qui permet le passage du statut d’espèce sauvage à celui d’espèce domestique. Mais alors, qu’en est-il de la notion d’espèce domestique ? Beaucoup de spécialistes s’accordent à dire qu’une espèce domestique est une espèce sur laquelle l’Homme exerce un contrôle, plus ou moins important, mais qui va au-delà du seul maintien en captivité. Il peut s’agir d’un contrôle sur l’alimentation, ou du contrôle de la reproduction de ces animaux, par exemple à travers la castration ou la sélection des reproducteurs. On parle aussi d’une pression sélective exercée par l’Homme sur l’animal à un moment du processus, qui va conduire à des modifications morphologiques et comportementales chez l’espèce domestiquée. L’une des caractéristiques de la domestication, par rapport à d’autres formes d’interactions que l’on observe entre les espèces, est que ces modifications sont héréditaires : ainsi, elles vont se transmettre de génération en génération chez les espèces domestiquées.
Alors, domestiques ou non-domestiques ?
Dans la liste des espèces domestiques, nos animaux de compagnie Médor et Félix sont rejoints sans contestation par les animaux élevés, notamment pour leur viande, pour leur laine ou pour leur force. Il s’agit du bœuf, du mouton ou encore du cheval, pour ne citer qu’eux. On parle d’élevage lorsqu’il y a contrôle de la reproduction et de l’alimentation, ce qui sous-entend une dépendance partielle ou totale de l’animal envers l’Homme. Attention toutefois à ne pas faire l’amalgame trop rapide entre élevage et domestication ! En y réfléchissant bien, vous connaissez certainement des espèces élevées, sans pour autant qu’elles ne soient domestiques ? L’huître ou l’escargot, par exemple, sont certes élevés à des fins alimentaires, mais ils ne sont communément pas classés parmi les espèces domestiques !
Le cas des abeilles soulève, lui, davantage de discussions. Si leur capacité à produire du miel est bel et bien exploitée par l’être humain depuis la préhistoire, ce dernier n’intervient pas directement sur leurs fonctions vitales. L’Homme a même intérêt à maintenir l’abeille proche de son état sauvage et dans son milieu naturel, afin d’obtenir une bonne production de miel. Pour autant, il existe un effort de sélection sur les reines notamment, et l’abeille est souvent classée parmi les espèces domestiquées. À ce titre, l’anthropologue Jean-Pierre Digard souligne qu’il n’est pas judicieux de parler d’espèces domestiquées, mais plutôt de populations d’animaux ou d’individus domestiqués. Et pour cause, au sein d’une même espèce peuvent tout à fait coexister des individus domestiqués, et d’autres non : c’est probablement le cas de l’abeille !
En considérant l’exemple de l’abeille, une question apparaît alors : faut-il limiter la domestication à la seule opposition entre animaux sauvages et animaux domestiqués ? Et est-ce correct de restreindre la domestication à une idée de contrôle des espèces à des fins utilitaires ? Ces questions complexes intéressent de nombreux scientifiques, comme vous pourrez le constater dans le contenu intitulé « La domestication vue par différents spécialistes ». Car si l’action de domestication, en tant que telle, résulte bien d’une volonté humaine, à un moment donné, de laisser entrer dans sa sphère privée une population animale, cette action a parfois pour point de départ un rapprochement à l’initiative de l’animal. Repensez à la souris et au moineau que nous évoquions plus tôt, et qui éprouvent un certain bénéfice de leur proximité avec l’être humain. Pour connaître le fin mot de l’histoire à leur sujet, rendez-vous au terme « Commensalisme » !
Sources :
Jean-Denis Vigne, Jean-Pierre Digard et Catherine Chauveau, « Domestication ou l’attrait réciproque entre hommes et animaux », Archéopages, octobre 2012.
Gilles Tétart, « L’abeille et l’apiculture. Domestication d’un animal cultivé », Techniques & Culture, 2001.
Ce contenu fait partie du dossier-glossaire intitulé "la domestication en questions".
N'hésitez pas consulter également le dossier "Entre chien et loup, regards sur la domestication".