Billet

La Grande Crue : Hansy Weiss raconte

Publié le
27 novembre 2018
par matthieu
Mis à jour le
14 février 2019
Communication scientifique
Sciences & fictions

Hansy Weiss, vous êtes technicien des voies navigables de France et étiez en première ligne lors de la crue du siècle le 2 mars dernier. Que s’est il passé lors de la mise en eau du polder d'Erstein ?

La veille, le débit mesuré avait dépassé le seuil critique des 3600 /sec et ça n’arrêtait pas d’augmenter. Suite à l’arrêté préfectoral, l’évacuation avait bien eu lieu et plus personne ne se trouvait sur place. Les barrières avaient été fermées. On avait estimé que le pic de la crue serait atteint le lendemain matin. J’étais alors chargé d’ouvrir les vannes à 9h pour réduire le débit du Rhin. À 8h30, j’étais à mon poste et il ne nous restait plus qu’à faire les manœuvre. À 8h45 le directeur adjoint des voies navigables de France nous appelle et ordonne de stopper l’ouverture,alors même que le débit commençait à dépasser les 5000 /sec. Il fallait agir vite pour limiter la montée des eaux dans Strasbourg. La seule information que j’avais, c’est que quelqu’un était entré sur le site à inonder en escaladant les barrières. C’était absolument irresponsable et il mettait en danger des milliers de vies en plus de la sienne.

Cette intrusion avait-t-elle réellement empiré la situation ?

On ne pouvait pas savoir ce qui arriverait, l’intervention et la revérification qu’il y avait bien personne sur le site a duré deux heures. Pendant ce temps, l’eau continuait de monter et la mise en eau du polder de la Moder n’a pas suffi à contenir la crue. Peut-être que la mise en eau du polder d’Erstein aurait retardé un peu les inondations en laissant plus de temps à l’évacuation de la ville. De toutes façons, le militant qui a fait ça va devoir s’expliquer devant le tribunal.

 

Saviez-vous que ce militant venait pour vérifier la sécurité du site et l’état des animaux vivant dans le polder ?

C’est ce qu’on m’a dit. Il faut savoir que l’évacuation mobilise plus d’une vingtaine de personnes, des employés municipaux, des techniciens des VNF, et des gendarmes. Une fois la zone évacuée, le site est parfaitement bien signalé. Il y a les hautes barrières qui verrouillent de site et les messages d’alertes fixés aux barrières pour expliquer que la zone va être inondée, sans oublier la sirène qui retentit en permanence. L’argument de la sécurité ne tient pas. Tout est en place et s’il s’est retrouvé là, c’est parce qu’il a escaladé les barrières en toute connaissance du danger. Ce qu’il ne savait pas, c’est que l’hélicoptère à caméra thermique allait le repérer entre les arbres ! Et s’il s’inquiétait pour les animaux, l’eau dans le polder monte suffisamment lentement pour les laisser s’échapper sur les hauteurs du polder prévues pour les accueillir en attendant la vidange post-crue.

N’y avait-il pas d’autres solutions pour éviter l’inondation en ville ?

J’ai cru comprendre que l’inondation du polder Allemand d’Altenheim avait été retardé délibérément. Un polder ne réduit pas le débit de l’eau uniquement lorsqu’il est en train de se remplir. En une bonne dizaine d’heures un polder est plein et si la montée des eaux se poursuit nous n’avons plus aucun recours possible. Il avait été décidé de l’ouvrir bien plus tard pour essayer de maîtriser la situation sur la durée, malgré la montée des eaux dans la ville. Nous ne savions pas quand l’eau allait arrêter d’affluer et les prévisions annonçaient un débit croissant. Avec le recul, on sait qu’il a atteint environ 7000 /sec au plus fort de la crue.

 

Voulez-vous ajouter pour expliquer cette inondation destructrice ?

Je n’ai pas d’autres explications. Il ne me reste plus qu’à faire comme tout le monde et réparer les dégâts matériels que ma famille et mes voisins ont subit. J'espère que les assurances débloqueront rapidement les fonds pour reconstruire les habitations dévastées. Je remercie encore une fois les sapeurs-pompiers qui ont sauvé mes proches et à tous ceux qui ont réussi à évacuer la ville en un temps records et leur offrant la possibilité de dormir au chaud sous un toit.

Merci Hansy Weiss pour votre témoignage éclairant.

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Ce contenu fait partie du parcours temporel fictionnel intitulé "Quand le Rhin, déborde..."

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