Marcel Griaule, le photographe ?

Au cours de la Mission Dakar-Djibouti (1931-1933), environ 6000 photographies furent prises, aujourd’hui conservées par le Musée du quai Branly. Dans la base de données des collections du musée, elles sont pour la plupart attribuées à Marcel Griaule. À cette époque, lors des expéditions scientifiques, la notion d’auteur renvoyait à une autorité scientifique de référence et non à l’auteur de la photographie. Néanmoins, au vu de différents témoignages, et mentions de Griaule comme « photographe », dans les rapports et lettres des membres de l’équipe, il semblerait qu’il se soit effectivement chargé de prendre une majorité des photographies de l’expédition, assisté d’Éric Lutten. Dans le cas de notre photographie, un « G » manuscrit, écrit à l’encre, est observable dans le coin supérieur gauche, ce qui pourrait être interprété comme une signature.

La mission disposait de cinq appareils photographiques : un appareil à chambre, à plaques de verre, un appareil stéréoscopique et trois Leica à pellicule souple. Dans le Rapport général de mission (mai 1931-mai 1932), il est précisé que « tous ces clichés ont été développés sur place, ce qui a permis, d'une part, de les vérifier, d'autre part, de recueillir sur les scènes, lieux, types ou objets représentés tous les renseignements possibles ». La photographie était reconnue comme le mode privilégié de documentation ethnographique, accompagnant chaque fiche d’observation, chaque objet ou événement. Dans une brochure de 1931 présentant la mission, on peut lire : « C’est en entourant l’objet d’une masse de renseignements, techniques ou autres, et de toute documentation (photos, dessins, observations) qu’on parviendra à éviter qu’une fois dans le musée il se transforme en objet mort, abstrait de son milieu » ; une gaine de vie, comme l’appellera Griaule. Développer les photographies sur place était aussi un choix stratégique qui permettait d’avoir le contrôle sur la diffusion des images ; les photographies pouvaient ainsi servir rapidement d’illustrations dans des publications scientifiques et la presse grand public, afin d’appuyer les observations et découvertes faites pendant la mission.

En 1957, parut Méthode de l’ethnographie, ouvrage posthume de Marcel Griaule, préparé pour édition par sa fille, l’ethnologue Geneviève Calame-Griaule. Cette Méthode, qui reprend les cours qu’il fit à la Sorbonne, est un manuel destiné aux étudiants, de même qu’un exposé concis de ses conceptions théoriques et méthodologiques. Il y détaille notamment sa méthode pour l’enregistrement photographique, et affirme que « le document photographique est une pièce authentique, un témoin indépendant », et que « la reconstitution est rigoureusement à rejeter ». Les questions d'authenticité et d’impartialité de l’image peuvent être interrogées : est-ce qu’une image ethnographique est nécessairement un témoignage objectif de ce qui a été observé ? Et qu’en est-il pour notre photographie, intitulée « reconstitution » de cérémonie ? Ces questions seront abordées dans un billet connexe.

Pour aller plus loin sur le sujet :

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