Patrimonialiser un objet : qu'est-ce que cela signifie et implique ? 

La patrimonialisation désigne le processus de création, de fabrication du patrimoine. Il implique un changement majeur au niveau du statut de l'objet, qui sort alors du cycle de vie qu'il a connu jusqu'ici en tant qu'objet usuel (c'est le cas pour les instruments scientifiques dont on parlera un peu plus bas). Un objet patrimonial bénéficie donc d'une attention particulière quant à sa conservation en l'état, l'objectif étant, via la patrimonialisation voire muséification, qu'il perdure dans le temps autant que possible, proche de son état d'origine. Il est donc souvent isolé de son cercle d'usage, écarté d'une multiplication de manipulation, soit immobilisé dans un espace protégé pour assurer sa préservation. 

On peut alors se poser la question quant aux objets des collections universitaires de Strasbourg puisqu'ils sont à la fois des objets fragilisés par le temps, qui restent dans espaces de conservation, à l'abri des publics mais également des objets toujours actifs, dans le sens où ils sont encore pleinement utilisés pour les activités de recherche et d'enseignement, et parfois présenter dans des musées, comme c'est le cas pour les collections de minéralogie et de sismologie, voire prêtés lors de manifestations spécifiques à l'échelle locale (Exemple : Fête de la Science, Nuit des étoiles...).

Le double statut des objets issus des collections universitaires de Strasbourg

Le fossile étudié, représentant la partie inférieure d'un humérus de rhinocéros dans une pierre de calcaire gris, fait partie d'une large collection de paléontologie, conservée à l'Institut de Géologie. Celle ci fait l'objet, depuis 2012, d'un travail approfondi qui passe notamment par l'initiative de (re)faire un inventaire afin de retourner aux orgines des collections et comprendre leur contexte de mise en place ainsi que leur développement (Janneau ; 2021). Elle n'est pas exposée au grand public, sauf lors de manifestations culturelles exceptionnelles (Exemple : Journées du patrimoine). 
Si une mineure partie des collections est placée sous vitrine, un large éventail d'objets est conservé en des lieux qui ne présentent pas toujours les conditions les plus adéquates, comparativement aux réserves que pourraient avoir des musées mais elles sont en sureté. On peut cependant noter la difficulté, pour les étudiants et les chercheurs, de travailler sur ces objets, sans avoir à les déplacer, autrement dit, de ne pas pouvoir les manipuler sur place du fait de l'espace non compatible avec la pratique. Ces objets, comme nous mêmes avons pu en faire l'expérience, sont donc encore utilisés à des fins pédagogiques, non seulement dans les sciences naturelles, dites "dures" desquelles ils proviennent mais également pour les sciences humaines et sociales. L'intérêt qu'ils suscitent dépasse leur champ disciplinaire d'origine, du fait de leur double statut et notamment de leur valeur patrimoniale. Ils témoignent de techniques, de méthodes parfois révolues mais qui participent à resituer historiquement le processus d'apprentissage des sciences en milieu universitaire ainsi que de la diversité des enseignements. 

Si vous parcourez l'entiereté du dossier en lien avec ce fossile spécifique qu'est l'humérus de rhinocéros déterminé par W. P. Schimper, vous pourrez y découvrir une version 3D en ligne ! Il s'agit là également de traduire une nouvelle manière de s'approprier les objets des collections et de les rendre accessibles, afin de pouvoir les étudier plus rapidement, et plus sereinement sans avoir à les sortir des collections (ce qui présente un avantage pour les objets fragiles, encombrants etc.). Cela s'ajoute à la matérialité même de l'objet, qui, on se questionne, ne peut être remplacée.